Le Café Politique

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  PAR LE PEUPLE ?

vendredi 30 septembre 2016, par Stuart Walker

L’établissement de démocraties ressemble fort à un éternelle commencement, digne des travaux de Prométhée. Même celle de la Grèce Antique, qui a inspiré celles de la Révolution Française, de l’Amérique et de l’Europe n’a durée qu’à peine 2 décennies, mise à mal par la mort de Périclès et les guerres contre Sparte.

Un bref aperçu de l’histoire moderne de l’Europe montre à quel point la démocratie est fragile. La Guerre de 30 Ans, ainsi que les 2 Guerres Mondiales se sont soldés , après des dégâts incalculables, par des Traités (respectivement ceux de Westphalie, de Versailles et de Yalta) qui ont chacun tenté , en vain, de créer des conditions qui permettraient de mettre une fin définitive aux conflits, et la création de régimes stables et durables.

L’époque post coloniale a vu un essor de régimes Parlementaires sur le continent africain, avec des résultats plus que mitigés. Une récente étude a compté seulement une poignée d’états africains qui aujourd’hui peuvent être considérés comme des pays libres. Les uns après les autres, des dictateurs corrompus détournent leurs constitutions pour se faire réélire avec des majorités peu crédibles. Ce n’est pas rassurant que, de plus en plus, de leurs financements proviennent d’une Chine peu regardant sur leurs critères de gouvernance.

Les meilleurs diplômes des écoles politiques de l’Amérique étaient persuadés qu’il suffirait de renverser Saddam Hussein pour que la démocratie s’installe en Irak. Le Printemps Arabe a soulevé l’espoir de millions, avant de tourner à la tragédie.

Il est possible que le réalisme impose l’idée que la résilience d’une démocratie dépend d’une longue maturation politique. Celle du Royaume Uni remonte au "Habeas Corpus" du 12è siècle. Certains avancent que l’absence d’une constitution serait une parade contre un éventuel coup d’état. L’évolution progressive semble être un processus plus sur que le révolution, celle-ci ayant une tendance à ramener, après de violentes turbulences, la situation à son point de départ. Supporter le règne d’un despote éclairé est peut être une transition nécessaire à l’établissement des institutions permettant à la démocratie de fonctionner.

Contrairement à ce que pensaient les 4% des Britanniques qui ont fait la différence lors du récent référendum, L’Europe nous protège plus qu’elle nous menace . C’est la première instance d’une union transnationale basée, non pas sur la force, mais sur le volontariat. Elle est d’inspiration humaniste ; le respect d’un état de droit est une condition d’entrée ; elle a apporté à ses membres une période sans précédent de paix et de développement économique. Si on veut corriger sa tendance libérale, mieux vaut le faire de l’intérieur. Ceux qui réclament son éclatement auraient une lourde responsabilité par rapport aux conséquences.

Des réformes s’imposent. De plus en plus de responsables européens reconnaissent l’erreur d’avoir crée une monnaie unique avant une harmonisation économique. L’idée d’Euro bonds fait son chemin . L’austérité exigée des membres débiteurs pourrait être moins draconienne. Joseph Stiglitz propose méme une sortie progressive de l’Euro pour la France. Bruxelles n’est pas insensible à la pression publique. Elle n’a pas vocation à imposer la régression.

Une deuxième priorité attend l’Europe si elle veut rester démocratique : qu’elle se dote des moyens de se défendre. On ne peut pas à la fois se plaindre de la toute puissance américaine , et en dépendre pour notre sécurité. La France reste le seul état membre à participer activement à la défense du monde libre en Afrique et au Moyen Orient. . La République de Weimar était démocratique à souhait, mais était impuissante à résister à la montée de l’extrémisme. Il est probable que, si les troupes allemandes avaient rencontré de la résistance lors de l’occupation de la Rhénanie, en 1936, ils se seraient retirées et le 3è Reich n’aurait pas eu lieu.

Les inégalités de revenu sont un facteur qui a permis aux populistes de s’approcher dangereusement du pouvoir en France et en Amérique. Il faut espérer que Hillary Clinton a bien entendu le message de Bernie Sanders, et que les accords républicains jouent à fond lors des présidentielles de 2017 en France.

La différence gauche-droite n’est pas obsolète. Il y a des différences d’orientation incomparables entre les engagements des forces progressistes et la relative désengagement de la mouvance conservatrice. Il faut rendre un immense hommage à Obama pour tout ce qu’il a fait pour normaliser les relations avec Cuba et l’Iran , et pour promouvoir un début d’évolution vers la démocratie au Myanmar. Il s’est battu avec acharnement pour un CMU américain, et la légitimation de millions de travailleurs clandestins. Aucun Républicain n’aurait pas fait autant.

Un manque d’éducation et la démographie sont deux grands ennemis de la démocratie. L’humanité n’est pas la seule espèce dont le comportement devient agressif lorsque la densité de la population dépasse un certain seuil. Les pays le plus à risque sont ceux ou la population augmente plus rapidement que la capacité de fournir une éducation digne de ce nom. Éduqué ne veut pas forcément dire éclairé . Mais la capacité d’exercer un jugement indépendant rend une population moins facile à manipuler. Il est plus tentant de désigner un bouc émissaire que d’essayer de comprendre les évolutions de la société . Ce sont les cols bleus qui fournissent la plupart de l’électorat de l’illusionniste américain qui brigue actuellement la Maison Blanche.

L’inconvénient d’un gouvernement par le peuple est que celui - ci ne vote pas toujours dans son intérêt, le dernier exemple en date étant le résultat des élections aux Philippines. Après le Brexit , les récentes consultations en Suisse indiquent que le référendum se révèle être un outil d’expression d’une volonté populiste de repli identitaire. Qu’en sera-t-il demain en Italie et en Hongrie ? Il y a des questions trop complexes pour être résolues par un simple oui /non.

Le rêve américain, comme l’ascenseur social en France, ne fonctionnent plus. Combien d’enfants des ghettos de Chicago ou de Paris peuvent accéder à des responsabilités ? Combien d’écoles ont suivi l’exemple de Richard Descoings en créant des passerelles entre les cités et l’éducation supérieure ? Un rapport d’actualité souligne que 20% des élèves ne maîtrisent pas les bases du Français en rentrant en sixième, ce qui les installe sur une voie rapide vers la délinquance. Quand Emmanuel Macron rapportait qu’il avait rencontré des femmes illettrées dans une usine, il ne faisait sans doute que dire la vérité. Ce qui se ressemble continue à s’assembler. La discrimination positive ne devrait pas être un vain mot.

Malgré cela nos sociétés ont progressé depuis la Grèce de Périclès, ou les esclaves étaient exclus du droit de vote. Vu de la Syrie les démocraties occidentales doivent plutôt avoir l’allure d’utopies. Mais qui dit démocratie dit égalité. Malgré la capacité des 10% de creuser les écarts, il existe outre atlantique, comme en France des filets de sécurité pour les plus démunis. Les vrais inégalités sont entre nous et le tiers monde. Tant qu’elles ne se résorbent pas celui-ci restera un terreau de nihilistes.

La France comme l’Europe pourrait certainement faire mieux au niveau de l’accueil des migrants. C’est la plus grande des tragédies que des quotas soient nécessaires, mais celui qui dit "nous avons des droits humains que vous n’avez pas parce que vous n’êtes pas né ici " a perdu sa boussole morale. Il existe, ne serait-ce qu’à Toulouse, plusieurs casernes désaffectées qui, en Allemagne auraient été réquisitionnées. La moyenne d’aide au développement des pays riches reste bien en dessous de 5%. Il devrait été possible de air beaucoup mieux, à bon escient.

Faut-il baisser les bras et dire que les problèmes sont intraitables ? Peut-être notre vision est ternie par le fait que des mauvaises nouvelles vendent plus de papier que les bonnes. Derrière les nuages il y a des coins de ciel bleu. En 2013 un rapport de la Banque Mondiale faisait état que, là ou en 1990, 43% des habitants de la terre vivaient avec moins de 1.25 dollars par jour, une vingtaine d’années plus tard ils étaient 21%, et que pendant la même période le pourcentage d’enfants scolarisés de moins de 5 ans était passé de 29 à 18%.

L’Europe et les USA sont partis en guerre contre les paradis fiscaux. Le projet d’électrification de l’Afrique porté par J-L Borloo, ou la grande muraille verte à travers L’Afrique du Nord, ont connu un démarrage. Une multitude d’ONG suppléent, là ou c’est possible, à la défaillance ds états. Le "fact checking" peut contrer les tendances mensongères qui s’insinuent dans la politique. Des conférence internationales se multiplient, permettant à des pays d’échanger des idées plutôt que des missiles. Même si les résolutions finales sont peu contraignantes, ils peuvent amorcer un changement dans les esprits.

Tout homme politique a forcément des traces d’optimisme dans son ADN. Sans cela on vivrait toujours soumis au fait du Prince. Camus disait que celui qui croyait en la possibilité d’améliorer la condition humaine était fou, mais qu’il préférait être considéré comme fou que cynique.